C’est au VIIème siècle que s’est constituée la médecine tibétaine, syncrétisme de médecines indienne, chinoise, persane, grecque et prébouddhique locale, cette dernière largement empreinte de chamanisme. Les connaissances médicales furent rassemblées en traités et planches illustrées dès le XIe siècle.
Gsopa-Rig-a, la science de la guérison, intègre rites bouddhiques et astrologie. Science sacrée, elle est enseignée dans les monastères ou au sein de lignées de médecins laïcs : les Amchis. Bonne santé et maladie sont liées au karma, et les désordres du corps correspondent à ceux de l’esprit : ainsi les 3 poisons, colère, désir et ignorance génèrent un déséquilibre des Nyépas, les trois humeurs vitales.
Le diagnostic se fait par observation (urine, langue, yeux), palpation (très longue lecture du pouls) et questionnement. Le traitement, progressif, vise à restaurer un style de vie harmonieux et un régime alimentaire sain. Il s’agit de rétablir l’harmonie avec son environnement. Ce n’est qu’ensuite que l’on prescrira éventuellement des médicaments, souvent associés à la récitation de mantras, dont l’effet a pu être mesuré scientifiquement en Suisse par le Pr Lutz !
Un traité médical du XIIe siècle recense 1600 états pathologiques et plus de 3000 substances médicinales, à base de racines, résines, fleurs, minéraux et animaux, utilisées en association ; les plantes sont lavées au plus près du lieu de leur cueillette, et considérées comme périmées au bout d’une année.
Des techniques médicales : massages, purgations, saignées, ventouses ou moxibustion, qui consiste à brûler une pastille de plante aromatique sur un point précis du corps, sont également utilisées. Les connaissances anatomiques, liées au rituel des « funérailles célestes », étaient dès le 7ème siècle excellentes, mais les pratiques chirurgicales se sont perdues depuis, malgré l’existence de nombreux traités. Traditionnellement les soins étaient prodigués gratuitement, le patient faisant une offrande à la mesure de ses moyens.
L’exil ou l’exécution de nombreux érudits et la destruction de la plupart des monastères ont entraîné un fort recul de l’enseignement de la médecine tibétaine depuis l’invasion chinoise ; les années 80 ont vu réapparaître cet enseignement sous forme simplifiée, mais accompagné d’une exploitation anarchique et outrancière des plantes médicinales, dont 30% risquent de disparaître à courte échéance…
La discrimination pratiquée par les autorités chinoises à l’égard des Tibétains en matière d’accès à la santé a conduit au développement de maladies comme la tuberculose, l’hypertension, les rhumatismes articulaires…, de retards de croissance significatifs chez 40% des enfants, d’une mortalité infantile parmi les plus élevées au monde ! L’institut de médecine et d’astrologie fondé à Dharamsala par la communauté en exil a pour vocation la transmission de l’enseignement de la médecine traditionnelle tibétaine, et son accessibilité au plus grand nombre.