Les mandalas

Les plus anciens mandalas conservés datent du Vème siècle de notre ère. Leur origine est beaucoup plus ancienne, mais ces figures géométriques éphémères à fort contenu symbolique sont généralement effacées après avoir été réalisées. Ceux qui nous sont parvenus sont donc des représentations peintes, modalités apparues plus tardivement.

Expression typique de l’art tibétain, le Mandala est également un support de méditation. Préalablement dessiné sur le sol sur ou sur une surface rituellement préparée, il est généralement constitué de poudres de riz ou de sable de différentes couleurs. Réalisé en plusieurs jours ou semaines, pour une occasion déterminée, il sera ensuite effacé, afin de traduire symboliquement l’impermanence de toutes choses ainsi que le nécessaire détachement par rapport aux résultats des actions humaines.

Réalisé par un artiste ou par un Lama, il synthétise alors sous une forme symbolique la somme considérable de connaissances obtenues par l’officiant au fil de ses nombreuses années d’études.

La structure générale du motif est souvent la même : une ou plusieurs enceintes carrées et circulaires concentriques. Il débute au centre, souvent par un cercle entouré d’un carré divisé par ses diagonales, ce qui forme 4 triangles. Il se termine fréquemment à l’extérieur par un cercle. 5 couleurs symboliques et 5 directions (4 plus le centre) sont mises en rapport.

Le carré, auquel correspond dans un espace à trois dimensions le cube, évoque les notions de stabilité, de fixité. C’est pourquoi le carré ou le chiffre 4 qui le sous-tend représentent dans le symbolisme de nombreuses Traditions : la Terre, la matière, le domaine corporel ou sensible, le monde grossier.

Le cercle, figure géométrique parfaite, infinie, représente le « ciel », le domaine spirituel, le monde très subtil ; sa circularité évoque également la conception cyclique du temps.

Un cercle entourant un carré dans un mandala, comme le globe surmontant le cube dans un Stupa, signifie la hiérarchie selon laquelle le spirituel domine le corporel, mais tout en s’appuyant, en se fondant sur celui-ci, qui ne doit être ni méprisé, ni rejeté.

La hiérarchie des trois mondes

Les Trois Mondes, indissociables puisque constitutifs de ce «  Tout » qu’est notre univers, sont cependant hiérarchisés, puisque le Monde très subtil est le principe du Monde grossier, qu’il manifeste ou « crée » par l’intermédiaire du Monde subtil., le tout constituant trois ordres de réalité.

Cette hiérarchie se traduit dans la culture tibétaine dans différents domaines :

  • Les trois éléments ou « corps » constitutifs de l’homme : Cheukou, Longkou et Tulkou
  • Les trois niveaux du temple bouddhiste, le Lhakhang ou demeure des dieux.
  • Les trois niveaux d’une maison traditionnelle tibétaine : le rez de chaussée destiné aux animaux, qui représentent le monde grossier, l’étage unique occupé par les hommes, qui représentent l’ordre intermédiaire, et le toit en terrasse, où sont placés les « drapeaux de prières » (les loungta ou  chevaux de vent), destiné aux « Divinités », représentant le monde très subtil, le domaine spirituel.

De cette hiérarchie des trois ordres de réalité découlent quelques règles élémentaires du savoir-vivre tibétain :

S’il est nécessaire d’enlever ses chaussures pour pénétrer dans un temple tibétain, ce n’est pas pour de banals motifs de « propreté » : les chaussures sont au contact permanent du sol, de la « matière », et donc du monde grossier, de l’ordre de réalité le plus inférieur. Ces réalités grossières, respectables dans le domaine profane, n’ont pas leur place dans le domaine sacré, celui de l’ordre de réalité très subtil, le plus élevé.

C’est également parce que les pieds sont la partie du corps en contact avec le monde grossier qu’il est inconvenant au Tibet d’enjamber tout objet cultuel, tout texte sacré, tout homme et même toute partie reposant sur le sol de la robe d’un moine. Lorsque l’on est assis sur le sol, il est tout aussi déplacé, pour les mêmes raisons, d’étendre les jambes en direction d’un objet de culte, d’un moine ou d’un Lama, ce qu’évite naturellement la position assise jambes croisées traditionnelle des Tibétains…

Le panchen-lama

Le Panchen Lama, « second hiérarque tibétain », est beaucoup moins connu que le Dalaï Lama, chef spirituel et politique du Tibet, en exil suite à l’invasion chinoise de 1950.

En 1642, le 5e Dalaï Lama devient le chef temporel du Tibet, c’est-à-dire son dirigeant politique. L’empereur chinois à cette époque le reconnaît comme son maître spirituel, et s’en fait le protecteur.

S’institue dès lors ce lien particulier, le Tcheuyeun , entre le premier des Lamas, tibétain, représentant « l’autorité spirituelle », et son protecteur laïc, chinois. Ce lien ne sera rompu qu’au 20e siècle, et la Chine communiste et athée n’en retient plus que l’idée, pervertie, d’une soumission tibétaine au pouvoir politique et militaire chinois.

Lobsang Tcheuki Gyaltsen, abbé du grand monastère de Tashilunpo, près de Shigatsé, avait été en quelque sorte le tuteur et le maître spirituel du 5e Dalaï Lama . Ce dernier lui conféra, et ce pour la première fois, ce titre de Panchen Lama, titre qui sera attribué rétroactivement à ses trois incarnations précédentes.

Le mot Panchen est un composé des mots « Pandita », qui signifie « érudit », et « chenpo », qui signifie « grand ». Le Panchen Lama est donc le « Grand Erudit ».

Le Panchen Lama, qui réside à Tashilunpo, n’a pas d’activité politique ou « temporelle », contrairement au Dalaï Lama, qui lui réside normalement au Potala, à Lhassa. Tous deux appartiennent à l’école Gelougpa

Le Panchen Lama est dit être la réincarnation (on pourrait dire la manifestation) d’Amitabha (Eupamé en tibétain), le Bouddha de la Lumière Infinie.

Le Dalaï Lama est lui la réincarnation d’Avalokithesvara (Chenrezi en tibétain), le Bodhisattwa de la Compassion, protecteur du Tibet

Amitabha était le maître spirituel d’Avalokithesvara , et c’est donc ce même rapport de maître spirituel à disciple qu’eurent à leur tour 4e Panchen Lama et le 5e Dalaï Lama, ainsi que leurs successeurs depuis…

Ce « tandem » n’a depuis jamais cessé de fonctionner, même si les Chinois ont souvent tenté de les dresser l’un contre l’autre, afin de « diviser pour mieux régner ».

En 1989, le 10e Panchen Lama décède à Shigatsé. Sa réincarnation est alors recherchée selon les formalités habituelles, et le 14 mai 1995, le Dalaï Lama reconnaît comme 11e Panchen Lama le jeune Guendun Tcheukyi Nyima, né le 24 avril 1989 à Lhari dans une famille paysanne.

En juillet 1995, les Chinois enlèvent le jeune Panchen Lama, ainsi que sa famille. Ils le détiennent depuis dans un lieu ignoré, ce qui en fait toujours aujourd’hui le plus jeune prisonnier politique au monde. Les Chinois ont ensuite organisé un tirage au sort truqué, qui désigne en novembre 95 comme Panchen Lama un autre enfant du même village et du même âge.

Le calcul chinois est simple : Puisque c’est le Panchen Lama qui aura, à la mort de l’actuel Dalaï Lama, à trouver et reconnaître son successeur, il y en aura bien un d’assez docile, sur les deux  Panchen Lamas dont ils disposent désormais, qu’ils éduquent et conditionnent, pour lui choisir un successeur docile et disposé à appliquer la politique chinoise, jusqu’à entériner la disparition pure et simple du Tibet !

Le dalaï-lama

En 1578 le chef du peuple mongol, Altan Khan, se place avec son peuple sous l’autorité spirituelle de Seunam Gyamtso, chef spirituel du Monastère Tibétain de Drépoung (Ecole Gelugpa, fondée au 14e siècle par Tsongkhapa : les  Bonnets Jaunes), et lui confère à cette occasion le titre de  Dalaï Lama .

Lama signifie Maître en tibétain, avec une idée de sagesse, et  Dalaï , traduction de Gyamtso en mongol, signifie Océan, avec une idée d’infinité… Dalaï Lama peut donc se traduire par  Maître Océan ou  Océan de Sagesse. Ce titre sera ensuite attribué rétroactivement aux deux Lamas successifs dont Seunam Gyamtso est considéré comme étant la réincarnation, ce qui fait de lui le 1er à porter le titre mais le 3e dans la « dynastie ».

A cette époque le Dalaï Lama détient donc l’autorité spirituelle, mais le pouvoir temporel appartient au Roi du Tibet. En 1750, ce dernier contestant l’autorité spirituelle du Dalaï Lama, le chef mongol, devenu Empereur de Chine, supprime l’institution royale, et remet le pouvoir temporel (politique) au Dalaï Lama.

Ce fait apparaît unique dans l’histoire des rapports entre autorité spirituelle et pouvoir temporel : partout dans le monde, bien qu’à des époques différentes, et conformément à une sorte de loi cyclique, l’histoire a vu le pouvoir temporel, au départ « ordonné » à l’autorité spirituelle, s’en affranchir, pour ensuite l’ignorer, puis la soumettre ou l’instrumentaliser, renversant ainsi les rapports «traditionnels » entre ces deux fonctions.

(cf : la révolte des Khsatriyas contre les Brahmanes en Inde, des Guerriers contre les Druides dans le monde celte, la destruction de l’Ordre du Temple par Philippe le Bel, le fondamentalisme musulman aujourd’hui…)

La jonction de l’autorité spirituelle et du pouvoir temporel entre les mains du Dalaï Lama constitue donc une  restauration de l’indistinction fonctionnelle propre à l’âge d’or, ou Krita Yuga, au cœur même de notre actuel et finissant âge de fer, le Kali Yuga.

Précisons qu’à l’âge d’argent correspond la suprématie de l’autorité spirituelle, à l’âge d’airain celle du pouvoir temporel, à l’âge de fer celle du pouvoir économique. Les Rois Mages représentent un souvenir de cette indistinction propre à l’âge d’or, de même que le mystérieux personnage biblique de Melchissedec.

A la mort du Dalaï Lama, des rituels complexes incorporant des éléments de type chamanique président à la recherche puis à la désignation de sa réincarnation, qui deviendra son successeur. Orientées par quelques oracles énigmatiques, des délégations de moines parcourent le pays à la recherche de « signes » permettant l’identification du futur Dalaï Lama. Les « candidatures » retenues sont longuement étudiées puis finalement départagées par une épreuve : on présente à ces jeunes enfants des objets rituels ou usuels ayant appartenu au défunt, parmi d’autres identiques. S’il choisit les bons objets, il est bien la réincarnation attendue.

C’est le Panchen Lama, deuxième personnage dans la hiérarchie tibétaine, bien que premier dans l’ordre spirituel, qui valide la désignation du nouveau Dalaï Lama, l’inverse se produisant lors de sa propre succession.

Les trois grands lamas

Si tout le monde connaît le Dalaï Lama, chef spirituel et temporel du Tibet, et si beaucoup ont entendu parler du Panchen Lama, second dignitaire tibétain, le troisième personnage dans la hiérarchie des Lamas est beaucoup moins connu.

Il s’agirait du Bogdo Gegen Houtouktou. Issu d’une lignée d’incarnations mongole instituée par le 3e Dalaï Lama au 17e siècle, il résidait à Ourga en Mongolie, rebaptisée depuis Oulam Bhator. Qualifié de Bouddha Vivant, il serait détenteur de l’anneau gravé de Gengis Khan.

Avec l’institution peu après du Panchen Lama, le ternaire lamaïque est formé, avec à sa tête le Dalaï Lama, détenteur à la fois de l’autorité spirituelle et du pouvoir temporel, représentant ainsi l’union de ces deux aspects telle qu’elle était à l’époque du Krita Yuga, l’Âge d’Or, avant leur différentiation.

C’est cette différentiation ultérieure propre à l’Âge d’Argent que représentent le Panchen Lama, détenteur de l’autorité spirituelle, et le Bogdo Gegen, représentant particulièrement le pouvoir temporel.

Cette articulation est complexe puisqu’en Mongolie même, le Bogdo Gegen détenait évidemment et par délégation l’autorité spirituelle, en tant que grand Lama, avec comme protecteur temporel le Khan ou Roi de Mongolie, puis ensuite l’Empereur de Chine, également protecteur alors du Tibet et du Dalaï Lama. Lors du renversement de l’Empire Chinois en 1911, le Bogdo Gegen se vit confirmer pour la Mongolie les deux fonctions : spirituelle et temporelle.

Cette articulation entre les trois principaux dignitaires du Bouddhisme Tibétain n’est pas sans évoquer celle des Rois Mages : ces trois personnages énigmatiques qui viennent reconnaître Jésus (lequel est pour les Bouddhistes le 9e avatara, la 9e manifestation de Vishnu). Gaspard apporte l’Or, symbole du pouvoir temporel, Balthazar l’Encens, symbole de l’autorité spirituelle, et le premier d’entre eux, Melchior, la Myrhhe, symbole de l’union primordiale des deux autres. Le Bogdo Gegen peut être mis en rapport avec l’offrande de l’Or et avec l’Âge d’Airain ou Dvapara Yuga, le Panchen Lama avec celle de l’Encens et avec l’Âge d’Argent ou Treta Yuga. Quand au Dalaï Lama, il apparaît comme l’équivalent de Melchior, le Prêtre Roi (Roi Mage…) de l’Âge d’Or ou Krita Yuga, fonction dont il serait le dernier représentant sur terre.

On dit du Bogdo Gegen, depuis sa disparition en 1924, qu’il attend le moment de son retour à la tête des armées du royaume caché de Shambala, pour instituer le futur Âge d’Or qui doit succéder à l’actuel Âge de Fer ou Kali Yuga.

Les bodhisattavas

L’appellation « Bodhisattva », souvent évoquée au sein du bouddhisme tibétain, correspond à deux notions différentes, quoique liées dans leur principe :

Le premier type de Boddhisattvas est constitué de sages qui, par la méditation et les pratiques vertueuses et rituelles, sont parvenus au Nirvana qui constitue le but ultime de la pratique du Bouddhisme. Cet état correspond à la Libération à l’égard de toutes les conditions limitatives de l’existence, comprenant les conditions corporelle et individuelle. Il s’agit donc d’un état inconditionné, dit état de bouddha, qui permet d’échapper au cycle des réincarnations. La réincarnation est en effet perçue par les bouddhistes comme un échec sur la voie de la libération. Le sage enfin parvenu à cet  état de bouddha  peut y demeurer indéfiniment ; mais il peut également choisir, par pur altruisme, par compassion, de revenir dans le monde des formes pour aider ceux qui y sont encore à atteindre à leur tour cet état d’éveil ; celui qui fait ce choix devient un Boddhisattva

Le second type de Bodhisattvas est constitué par des émanations de Bouddhas ; il s’agit alors de Bouddhas manifestés sous une forme subtile ; manifestés et non réincarnés, ce dernier terme ne pouvant être employé que pour des manifestations se produisant sous la forme grossière, « incarnée », c’est-à-dire corporelle. Ces boddhisattvas à la forme subtile, non corporelle, sont communément considérés comme des divinités.

Les trois principaux Bodhisattvas de ce type sont Avalokitesvara, en tibétain Chenrezi, le bodhisattva de la compassion, Manjushri, le bodhisattva de la connaissance (Jampelyang), et Vajrapani, celui de la puissance (Chana Dorjé). Ces Bodhisattvas peuvent à tout moment choisir de se manifester, par une nouvelle émanation, sous la forme grossière corporelle, et donc humaine.

 Avalokitesvara, dont le mantra est Aum mani padme hum, le plus populaire au Tibet, est censé résider au Mont Potala, en Inde, d’où le palais du Potala à Lhassa tire son nom. Les Dalaï Lama et les Karmapa sont considérés comme ses émanations, les Panchen Lama étant celles d’Amitabha, prédécesseur et maître spirituel d’Avalokitesvara.

La première émanation sous forme humaine d’Avalokitesvara (Chenrézi) fut le Roi du Tibet Songtsen Gampo, fondateur à Lhassa du palais du Potala et du temple du Jokhang au VIIe siècle, et introducteur du bouddhisme au Tibet.

Les divinités du bouddhisme tibétain

Le Bouddhisme n’est pas toujours uniquement perçu comme une religion. On peut le voir comme mode de vie, comme philosophie, ou encore comme métaphysique. Il est tout cela, mais c’est l’absence de la notion de Dieu créateur qui fonde sa différence. Une religion sans Dieu, dit-on, mais avec, particulièrement dans le Bouddhisme Tibétain, que de Divinités… !

Pour résoudre cette apparente contradiction, il convient déjà de dire que si le Bouddhisme ne parle pas de « Dieu » , entité suprême transcendante, ce n’est pas qu’il en nie le principe, mais qu’il considère un tel « Dieu » éventuel comme inconnaissable par l’homme, et qu’il est inutile de parler de ce que l’on ne peut connaître… Il convient en outre de considérer ce que représentent réellement ces Divinités.

Elles sont liées à la théorie des trois corps que sont le Corps d’émanation (Nirmanakaya ou Tulkou en Tibétain), le Corps de gloire (Sambhogakaya ou Longkou) et le Corps Absolu (Dharmakaya ou Cheukou), correspondant aux manifestations grossière, subtile et très subtile,(les Trois Mondes) et proches des conceptions occidentales du corps, de l’âme et de l’Esprit.

L’homme ordinaire, au contraire de l’homme éveillé, n’a pas conscience de ses trois corps. Pour accéder à l’éveil, il lui faut partir du corps physique, prendre conscience et s’identifier à son corps de gloire, puis s’il y parvient à son corps absolu.

Les Divinités du Bouddhisme Tibétain sont des aides sur le chemin de l’éveil. Elles relèvent du corps de gloire et apparaissent comme des intermédiaires entre le corps physique et le corps absolu, l’Esprit. Elles sont des moyens utilisés par l’être corporel pour atteindre l’Esprit. Ces moyens sont, comme les gargouilles de nos Cathédrales, en partie à l’image du corps, l’être corporel ayant besoin de références connues, et en partie irréalistes : bras multiples, têtes de monstres…. puisque le monde de l’Esprit vers lequel elles conduisent n’est pas « réaliste » : il transcende le réel qui est une limitation propre à l’être corporel.

L’utilisation de ces Divinités passe par un processus en trois étapes : L’initiation, comprenant 4 phases, la méditation, en deux phases (développement et achèvement), l’accomplissement. le but ultime est alors atteint, la réalisation spirituelle accomplie, c’est le nirvana, la libération définitive des illusions de l’Ego.

Le bouddhisme

Apparu en Inde au Ve siècle avant JC, le Bouddhisme fut une sorte de réforme à caractère rationaliste de l’Hindouisme. Les bouddhistes ne nient pas qu’il puisse y avoir un « Dieu », mais considèrent qu’un tel « Principe », transcendant notre univers, nous serait par nature totalement inconnaissable, et qu’il est donc inutile d’en parler…

Les Bouddhas sont des hommes qui, par la méditation et la pratique du Dharma, « la voie juste », sont parvenus à s’affranchir des conditions limitatives de l’état humain ordinaire, atteignant un état de plénitude inconditionné : le Nirvana.

Lorsque l’on parle du Bouddha, il s’agit d’un personnage historique, le prince Siddharta Gautama, également appelé Shakyamuni, ce qui signifie « le sage de la tribu des Shakya ». Né vers 560 avant J.C. au Népal, ce prince, élevé dans la religion hindouiste, en a rejeté les méthodes après les avoir étudiées. Par une longue méditation sur l’étude rationnelle des phénomènes et de leurs causes, il est parvenu à cet état « d’éveil » permettant de comprendre l’ultime réalité des choses dissimulée sous les apparences. Il a alors transmis ce qu’il avait lui-même compris et réalisé, afin d’aider les autres à parvenir à cet état. En retardant son propre accès à la phase ultime de l’éveil qu’est le Nirvana, pour mieux aider les autres, il s’est conduit en Bodhisattva. Shakyamuni n’ayant pas laissé d’écrits, ses disciples ont transmis son enseignement oral, lequel a fait l’objet d’interprétations diverses donnant naissance aux différentes « écoles ». Les deux principales sont le Mahayana, le Grand Véhicule ou Bouddhisme du nord, et le Hinayana, Bouddhisme du sud ou Petit Véhicule, dénomination péjorative attribuée à la seconde école par les tenants de la première….

Le Mahayana considère que tout le monde peut accéder à la bouddhéité et que nos « bonnes actions » conditionnent cet accès, alors que le Hinayana estime que seuls les moines peuvent y parvenir, et que les « bonnes actions » sont sans effet.

Le Bouddhisme n’a été introduit au Tibet que beaucoup plus tard, au VIIIe siècle après J.C, et y est devenu la religion majoritaire, cohabitant en bonnes relations avec l’ancienne religion Bön, fortement empreinte de chamanisme.

Le Bouddhisme Tibétain, parfois appelé Vajrayana (Véhicule de Diamant), Tantrayana ou encore Lamaïsme, est principalement issu du Mahayana. Il comprend lui-même plusieurs « écoles », dont les principales sont, dans l’ordre de leur apparition : Les Nyingmapa, les Sakyapa, les Kagyupa, tous dits « bonnets rouges », et les Gelugpa ou « bonnets jaunes ». Il a intégré un certain nombre d’éléments chamaniques de l’ancienne religion Bön, et d’éléments métaphysiques et ésotériques provenant de l’Hindouisme. Bien qu’il réfère à de nombreuses divinités, le Bouddhisme tibétain n’est pas polythéiste ; ces divinités ne sont pas adorées pour elles-mêmes, mais constituent des symboles, supports de méditation et aides sur le chemin de l’éveil.

Le bouddhisme tibétain

La culture tibétaine est indissociable du bouddhisme, issu de l’hindouisme, aux sources duquel se trouve la religion de Shiva, ou Shivaisme, implantée en Inde avant même les invasions aryennes.

La doctrine Shivaiste se fonde essentiellement sur les Darshanas, trois couples « d’approches » dont chacun comporte une approche expérimentale et une approche intellectuelle, complémentaires. Chacun de ces couples correspond à l’un des Trois Mondes :
– Le monde grossier, visible, impermanent, celui de la matière et du corps, avec comme approche expérimentale la science et comme approche intellectuelle la logique.
Le monde subtil intermédiaire, permanent, celui lié à l’âme, avec l’approche expérimentale du Yoga et l’approche intellectuelle liée à la cosmologie et à la connaissance du macrocosme en général.
Le monde très subtil des « Principes », avec l’approche expérimentale basée sur les rites et les prières et l’approche intellectuelle liée aux questions métaphysiques.

A ces trois mondes correspondent les trois fonctions : productrice, guerrière et sacerdotale, d’où découlent les trois principales castes en Inde et les trois ordres de l’époque médiévale occidentale.

Au Ve siècle avant J. C. l’Occident connut le « miracle grec », qui vit le mode de connaissance analytique, logique, fondé sur le Logos, éliminer celui avec lequel il avait toujours coexisté : le mode de connaissance synthétique fondé sur le Muthos. Cette hégémonie du logos et de la logique allait permettre le développement technologique, mais nous fermait la porte de la connaissance « intuitive ». L’Orient connut une évolution analogue à la même époque, avec le développement du Bouddhisme en Inde, au détriment de l’Hindouisme. En Orient comme en Occident on oublie les « approches » liées au monde des principes. La mentalité scientiste et matérialiste s’impose et ignore la métaphysique. La science n’étant par définition pas à même de répondre aux questions métaphysiques telles que celle relative à l’existence de Dieu, le scientisme ne peut qu’être athée. Le Bouddhisme pourrait donc être vu comme une version athée et réductrice de l’Hindouisme. L’approche métaphysique a cependant survécu au sein d’une forme particulière du Bouddhisme, liée au Grand Véhicule, Mahayana, qui l’a sauvegardée et développée : le Vajrayana ou Bouddhisme Tibétain.