Le dalaï-lama

En 1578 le chef du peuple mongol, Altan Khan, se place avec son peuple sous l’autorité spirituelle de Seunam Gyamtso, chef spirituel du Monastère Tibétain de Drépoung (Ecole Gelugpa, fondée au 14e siècle par Tsongkhapa : les  Bonnets Jaunes), et lui confère à cette occasion le titre de  Dalaï Lama .

Lama signifie Maître en tibétain, avec une idée de sagesse, et  Dalaï , traduction de Gyamtso en mongol, signifie Océan, avec une idée d’infinité… Dalaï Lama peut donc se traduire par  Maître Océan ou  Océan de Sagesse. Ce titre sera ensuite attribué rétroactivement aux deux Lamas successifs dont Seunam Gyamtso est considéré comme étant la réincarnation, ce qui fait de lui le 1er à porter le titre mais le 3e dans la « dynastie ».

A cette époque le Dalaï Lama détient donc l’autorité spirituelle, mais le pouvoir temporel appartient au Roi du Tibet. En 1750, ce dernier contestant l’autorité spirituelle du Dalaï Lama, le chef mongol, devenu Empereur de Chine, supprime l’institution royale, et remet le pouvoir temporel (politique) au Dalaï Lama.

Ce fait apparaît unique dans l’histoire des rapports entre autorité spirituelle et pouvoir temporel : partout dans le monde, bien qu’à des époques différentes, et conformément à une sorte de loi cyclique, l’histoire a vu le pouvoir temporel, au départ « ordonné » à l’autorité spirituelle, s’en affranchir, pour ensuite l’ignorer, puis la soumettre ou l’instrumentaliser, renversant ainsi les rapports «traditionnels » entre ces deux fonctions.

(cf : la révolte des Khsatriyas contre les Brahmanes en Inde, des Guerriers contre les Druides dans le monde celte, la destruction de l’Ordre du Temple par Philippe le Bel, le fondamentalisme musulman aujourd’hui…)

La jonction de l’autorité spirituelle et du pouvoir temporel entre les mains du Dalaï Lama constitue donc une  restauration de l’indistinction fonctionnelle propre à l’âge d’or, ou Krita Yuga, au cœur même de notre actuel et finissant âge de fer, le Kali Yuga.

Précisons qu’à l’âge d’argent correspond la suprématie de l’autorité spirituelle, à l’âge d’airain celle du pouvoir temporel, à l’âge de fer celle du pouvoir économique. Les Rois Mages représentent un souvenir de cette indistinction propre à l’âge d’or, de même que le mystérieux personnage biblique de Melchissedec.

A la mort du Dalaï Lama, des rituels complexes incorporant des éléments de type chamanique président à la recherche puis à la désignation de sa réincarnation, qui deviendra son successeur. Orientées par quelques oracles énigmatiques, des délégations de moines parcourent le pays à la recherche de « signes » permettant l’identification du futur Dalaï Lama. Les « candidatures » retenues sont longuement étudiées puis finalement départagées par une épreuve : on présente à ces jeunes enfants des objets rituels ou usuels ayant appartenu au défunt, parmi d’autres identiques. S’il choisit les bons objets, il est bien la réincarnation attendue.

C’est le Panchen Lama, deuxième personnage dans la hiérarchie tibétaine, bien que premier dans l’ordre spirituel, qui valide la désignation du nouveau Dalaï Lama, l’inverse se produisant lors de sa propre succession.

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