Les fêtes traditionnelles

La culture tibétaine est imprégnée de religion, aussi toutes les fêtes tibétaines ont-elles un caractère religieux. Le calendrier tibétain étant lunaire, ces fêtes ne tombent pas à dates fixes selon nos calendriers solaires. Nombreuses, elles se déroulent toujours dans une atmosphère très joyeuse.

La principale de ces fêtes est Losar, le nouvel an tibétain, qui se déroule sur trois jours :

La veille, après des danses rituelles, les Lamas brûlent en public le Goutor, une sculpture géante représentant les mauvais esprits ou tendances négatives. Chacun nettoie sa maison, puis dépose loin de celle-ci des boules de Tsampa que l’on a frottées sur son corps pour en ôter les résidus négatifs de l’année.

 

Le 1er jour, Lama Losar ou nouvel an des Lama, est consacré à l’autorité spirituelle :

Cérémonie sur le toit du Potala pour remercier la déesse Palden Lhamo de sa protection, et présentation des vœux au Dalaï Lama.

Le 2e jour, Gyalpo Losar ou nouvel an des Rois honore le pouvoir temporel. Le Dalaï Lama recevait les dignitaires laïcs. Chacun présente ses vœux aux amis.

Le 3e jour, des prières sont adressées aux Dieux Gardiens du Tibet, pour une nouvelle année féconde, et l’on installe des drapeaux à prières neufs sur les toits.

Débute alors une nouvelle fête : Mönlam Chemno, ou fête de la grande prière, qui pendant 3 semaines voit se dérouler de grands débats philosophiques suivis de remises de diplômes. Le 25e jour a lieu une procession derrière la statue de Maitreya, le Bouddha dont on attend le retour historique.

Le 15e jour du 5e mois débute la fête de Lingka, consacrée à Padmasambhava. Des tentes sont dressées dans la forêt de Lingka, où l’on pique-nique plusieurs jours en admirant des spectacles de danses.

Le 1er jour du 7e mois, la fête de Shoton voit se dérouler un festival d’opéra tibétain. A l’origine il s’agissait d’offrir du shoton ou yaourt aux moines qui avaient passé tout l’été sans sortir de leurs monastères.

Au 8e mois Ongkor est l’occasion de demander de bonnes récoltes. S’y déroulent courses de chevaux, tir à l’arc, lutte, lever de pierres, danses et chants.

Le 15e jour du 10e mois, au cours de Belha Rabzohl, le portrait d’une divinité féminine est promené autour du monastère du Jokhang à Lhassa.

Le 25e jour de ce même mois, la fête des Lampes commémore l’atteinte du nirvâna par Tsongkapa, avec illumination des temples et maisons.

Les peintures traditionnelles

L’art tibétain, empreint d’influences indiennes, chinoises et népalaises, ne ressemble à aucun autre. Fresques, thangka, statues et statuettes, indissociables du bouddhisme, servent de support à la prière, à la méditation et aux rituels.

Les fresques

Les peintures murales les plus anciennes remontent au XIe siècle.

Les canons iconographiques, codifiés par Le « Tchitralakshna » (manuel de peinture inclus dans le Kanjyur et le Tanjyur) sont précis et restrictifs: préalablement à l’exercice de son art, le peintre reporte la figure de la divinité dans un réseau de lignes selon des mesures traditionnelles immuables. La liberté de l’artiste reste toujours subordonnée au rythme de ces lignes directrices.

Les Thangka

« Objets que l’on déroule », il s’agit de peintures sur tissu, coton ou soie, d’un transport aisé adapté à la vie nomade une fois roulées. Des Lamas itinérants en transportaient pour illustrer leurs enseignements. Elles représentent des divinités, des épisodes de la vie de Bouddha ou des mandalas.

Leur réalisation est soumise aux mêmes règles que la peinture. Les couleurs sont appliquées d’abord au fond ou au paysage puis au visage de la divinité. Plusieurs peintres, aides et apprentis peuvent y travailler, chacun selon sa spécialité. La dernière phase, « l’ouverture des yeux », est réservée à un lama qui en trace la pupille et consacre l’oeuvre par l’inscription d’un mantra au dos, au cours de la cérémonie dite « Rab-né ».

La statuaire

Différentes techniques, connues depuis le Xème siècle, sont employées : moules de terre cuite, cire perdue, cuivre repoussé, bronze, bois, ivoire …Sous l’influence de la culture népalaise, la plupart des statues, parfois de grande taille et de forme compliquée, généralement dorées, sont incrustées de pierres précieuses ou semi-précieuses. Souvent creuses, elles servent alors de reliquaires.

Les « tsha-tsha », miniatures d’objets sacrés, sont réalisés en terre crue séchée.

La maîtrise de l’art du bronze, et la subtilité des alliages (or, argent, cuivre, étain, fer…) se révèle également au travers des décors des toits des monastères, des reliquaires, des instruments de musique, des couvertures de livres. Certains objets usuels sont de véritables œuvres d’art.

La plupart des temples et monastères furent rasés pendant la révolution culturelle chinoise des années 60, leurs trésors artistiques détruits ou emportés par les Chinois. Ils en réinstallent depuis quelques années dans des musées qu’ils construisent au Tibet. Certains collectionneurs, notamment des exilés, envisagent d’y envoyer certaines de leurs pièces afin que les Tibétains puissent se réapproprier leur patrimoine culturel.

Le musée Guimet à Paris regroupe d’importantes collections d’art tibétain.

 

 

Shambala et Gesar de Ling

Shambala est le nom par lequel les Tibétains désignent le Centre du Monde.

Ce Centre du Monde est surtout d’ordre spirituel, et représente le principe d’où le monde en tant que civilisation tire son origine. En raison de la correspondance nécessaire entre l’ordre spirituel et l’ordre matériel, à ce centre spirituel correspond un lieu géographique, et ce lieu est Lhassa.

Chaque Tradition réfère à son propre Centre du Monde autour duquel s’est développée sa civilisation. La désignation « d’Empire du Milieu » pour la Chine renvoie à cette idée d’expansion dans l’ordre géographique, aux quatre points cardinaux, d’un tel Centre principiel. La constitution dans le monde celtique de l’Irlande en quatre provinces émanées d’un Centre sacré, résidence du roi, en est l’équivalent. Ce nombre 4 est symbolique du domaine physique de cette expansion, en rapport avec l’idée de stabilité du carré que l’on retrouve dans les mandalas ou les stupas. Le Tibet ancien était également composé d’une province centrale avec 4 provinces périphériques.

Ces différents Centres du monde sont généralement perçus comme centres secondaires, substituts d’un mythique Centre Suprême primordial, souvent désigné sous le nom d’Agartha.

De nombreux auteurs, comme Swedenborg, Emmerich ou Guénon, situent ce Centre Suprême, aujourd’hui occulté, l’Agartha, à Lhassa. Ils en font la résidence du Roi du Monde, conservatoire de la Tradition Primordiale et de la connaissance initiatique. Ce Roi du Monde semble correspondre dans l’ordre spirituel à un « principe régisseur », occulté depuis la perte de la Tradition Primordiale mais dont le retour ramènera un jour l’harmonie, la véritable « Paix », inaugurant un nouveau cycle pour l’humanité. Cette fonction est également celle de Maitreya, le futur Bouddha historique attendu pour la fin prochaine du cycle actuel.

Les quatre âges

Pour les Tibétains, l’histoire de l’humanité passe par les 4 âges suivants :

  • Krita Yuga : l’Âge d’or
  • Treta Yuga : l’Âge d’argent
  • Dvapara Yuga : l’Âge d’airain
  • Kali Yuga : l’Âge de fer

Notre époque actuelle correspond à la fin du Kali Yuga, cet Âge sombre auquel doit succéder un nouvel Âge d’or.

 

Ces 4 Âges s’inscrivent dans une conception cyclique du temps, héritée de l’Inde ancienne et basée sur des multiples du cycle astronomique de précession des équinoxes, cycle bien réel d’environ 12960 ans directement lié à la légère rotation sur lui-même de l’axe polaire.

Ces cycles multiples comportant tous des cycles plus réduits et s’intégrant eux-mêmes dans des cycles plus larges, leurs durées peuvent varier selon les auteurs, sans que cela ne constitue pour autant de réelles contradictions. Nous avons ici retenu les durées les plus directement liées au cycle de précession des équinoxes.

 Un Kalpa, d’une de durée de 907200 ans selon ce mode de calcul, comporte 14 Manvantaras, eux-mêmes subdivisés en 5 Maha Yugas ou « grandes années ». C’est au sein de chaque Maha Yuga que se succèdent les 4 Yugas, les 4 âges de l’humanité, aux caractéristiques très différentes :

Au cours du Krita Yuga, les trois « tendances » sattwique (spirituelle), rajasique (psychique) et tamasique (matérielle), liées à la conception des 3 mondes et des 3 corps, sont équilibrées en chaque individu, et par conséquent dans la société qui est parfaitement harmonieuse.

Le Treta Yuga voit ensuite s’affirmer plus particulièrement l’une ou l’autre de ces tendances, en fonction des différentes natures individuelles. La société est dirigée par les « Sages », chez qui prédomine la tendance spirituelle sattwas.

Le Dvapara Yuga voit diminuer le nombre des « Sages », et dominer, en nombre et en pouvoir, les guerriers, dont la tendance psychique rajas est plus développée. En Inde ce changement fut appelé « révolte des Ksahtryas contre les Brahmanes » ; il est illustré dans les mythes celtiques par la lutte entre l’ours (le guerrier) et le sanglier (le druide).

Le Kali Yuga est l’âge où s’impose tamas, la tendance matérielle et corporelle. Ce sont désormais les producteurs et commerçants qui dominent la société.

Le Tibet, au travers de l’institution des Dalaï Lama, et du choix de la non violence, peut représenter le germe du futur Krita Yuga, qui, en 2424 du calendrier tibétain, 2297 du nôtre, succédera à notre actuel Kali Yuga. Ce nouvel Âge d’Or devrait être inauguré par le retour du Roi de Shambala, en la personne du 5e Bouddha historique Maitreya !

La médecine traditionnelle

C’est au VIIème siècle que s’est constituée la médecine tibétaine, syncrétisme de médecines indienne, chinoise, persane, grecque et prébouddhique locale, cette dernière largement empreinte de chamanisme. Les connaissances médicales furent rassemblées en traités et planches illustrées dès le XIe siècle.

Gsopa-Rig-a, la science de la guérison, intègre rites bouddhiques et astrologie. Science sacrée, elle est enseignée dans les monastères ou au sein de lignées de médecins laïcs : les Amchis. Bonne santé et maladie sont liées au karma, et les désordres du corps correspondent à ceux de l’esprit : ainsi les 3 poisons, colère, désir et ignorance génèrent un déséquilibre des Nyépas, les trois humeurs vitales.

Le diagnostic se fait par observation (urine, langue, yeux), palpation (très longue lecture du pouls) et questionnement. Le traitement, progressif, vise à restaurer un style de vie harmonieux et un régime alimentaire sain. Il s’agit de rétablir l’harmonie avec son environnement. Ce n’est qu’ensuite que l’on prescrira éventuellement des médicaments, souvent associés à la récitation de mantras, dont l’effet a pu être mesuré scientifiquement en Suisse par le Pr Lutz !

Un traité médical du XIIe siècle recense 1600 états pathologiques et plus de 3000 substances médicinales, à base de racines, résines, fleurs, minéraux et animaux, utilisées en association ; les plantes sont lavées au plus près du lieu de leur cueillette, et considérées comme périmées au bout d’une année.

Des techniques médicales : massages, purgations, saignées, ventouses ou moxibustion, qui consiste à brûler une pastille de plante aromatique sur un point précis du corps, sont également utilisées. Les connaissances anatomiques, liées au rituel des « funérailles célestes », étaient dès le 7ème siècle excellentes, mais les pratiques chirurgicales se sont perdues depuis, malgré l’existence de nombreux traités. Traditionnellement les soins étaient prodigués gratuitement, le patient faisant une offrande à la mesure de ses moyens.

L’exil ou l’exécution de nombreux érudits et la destruction de la plupart des monastères ont entraîné un fort recul de l’enseignement de la médecine tibétaine depuis l’invasion chinoise ; les années 80 ont vu réapparaître cet enseignement sous forme simplifiée, mais accompagné d’une exploitation anarchique et outrancière des plantes médicinales, dont 30% risquent de disparaître à courte échéance…

La discrimination pratiquée par les autorités chinoises à l’égard des Tibétains en matière d’accès à la santé a conduit au développement de maladies comme la tuberculose, l’hypertension, les rhumatismes articulaires…, de retards de croissance significatifs chez 40% des enfants, d’une mortalité infantile parmi les plus élevées au monde ! L’institut de médecine et d’astrologie fondé à Dharamsala par la communauté en exil a pour vocation la transmission de l’enseignement de la médecine traditionnelle tibétaine, et son accessibilité au plus grand nombre.

Les rites funéraires

Au Tibet cohabitent diverses pratiques funéraires : inhumation, immersion, manducation par des oiseaux de proie, crémation, certaines plus pratiquées que d’autres et avec des disparités régionales. Il y a là une forme de« complétude », chacun des rites renvoyant à l’un des quatre éléments constitutifs de l’univers : terre, eau, air (par l’intermédiaire des oiseaux) et feu.

Le choix du rite dépend de la personne du défunt : ainsi l’immersion sera souvent pratiquée pour un jeune enfant, la crémation plutôt réservée aux religieux. Pour les autres cas, s’est généralement l’astrologue qui détermine le rite à utiliser en fonction de la personne concernée, de son état d’avancement spirituel et du moment de sa mort.

Le rite le plus pratiqué est celui des funérailles célestes : Il est vrai que dans de nombreuses régions du Tibet, en raison du gel, qui s’oppose autant à l’inhumation qu’à l’immersion, et du peu de bois disponible pour les crémations, ce rite «aérien » paraît le plus adapté.

Le Ragyapa, personnage que la population ne fréquente pas mais nourrit, et dont c’est la fonction, transporte le cadavre à l’écart du village, dans un lieu spécifique, et le dépèce pour en livrer chair et os aux vautours. Il recouvre le corps de farine d’orge, destinée à absorber le sang que l’on ne doit pas voir. Le Ragyapa récite ensuite quelques mantras, puis danse autour du corps, tenant en main gauche une queue de yack et une flûte taillée dans un fémur humain, dont il joue, et en main droite une clochette, destinée à alerter et se concilier les « gardiens » du lieu. Il coupe ensuite la tête du défunt avec un grand couteau et l’écarte en la protégeant des vautours. Puis il découpe le reste du corps. Pendant ce temps un membre de la famille tient les vautours à distance avec un bâton. Un feu est alors allumé, et on laisse les vautours approcher. S’ils partent, c’est que le cadavre n’est pas « bon » et de nouveaux rites s’imposent. Sinon ils le dévorent, ne laissant que les os. Le Ragyapa reprend la tête, la place dans une pierre creusée et l’écrase à coups de bâtons, la mélangeant à de la farine. Les os, rassemblés, sont broyés avec et le tout livré à nouveau aux vautours. L’homme s’est ainsi fait nourriture dans la chaîne de la vie…

Après sa mort, l’être entre dans le bardo (littéralement : l’intervalle), où il séjourne 49 jours. La famille veille à maintenir le mort « éveillé » jusqu’à ce terme fatidique, en lui récitant les textes du Bardo Thödol, qui sont des encouragements et instructions destinés à permettre sa réincarnation. Si celle-ci ne survient pas à l’issue de cette période, le mort errera alors comme un fantôme. Il s’agit dans ce cas d’un échec, sans aucun rapport avec cette possibilité qu’ont les êtres les plus avancés spirituellement d’échapper, à leur mort ou même de leur vivant, au cycle des renaissances. Un rituel spécifique pratiqué au terme des 49 jours permet de savoir si le mort s’est ou non réincarné.

 

Dordje et drilbu

Objet cultuel tibétain par excellence, le Dorje, en sanskrit Vajra, se présente sous la forme d’un axe dont les deux extrémités se divisent en 4 dents ou flammes. Il s’agit d’un symbole axial également dénommé foudre de diamant.

Il représente symboliquement toute réalité et notamment la réalité première : la manifestation universelle, c’est à dire le « monde créé ». Diamant réfère à la notion d’immutabilité ou d’inaltérabilité propre au Principe de la manifestation et à son unicité, Foudre aux deux forces ou aspects apparemment opposés mais en réalité complémentaires par lesquels s’appréhende cette manifestation : génération et destruction, aspir et inspir divins, yin et yang… La foudre représente également l’illumination spirituelle.

Le Dorje s’apparente donc aux symboles du caducée, de la hache à double tranchant ou du marteau des Dieux scandinave Thor et celte Dis Pater, au maillet utilisé en franc-maçonnerie.

Attribut essentiel des dignitaires du lamaïsme, le Dorje est inséparable de son complément : le Drilbu ou cloche rituelle (la conque pour les hindouistes). Le Dorje, masculin, représente alors la voie, la méthode, le Drilbu, féminin, représentant la sagesse transcendante à laquelle cette voie peut donner accès.

Le Lama tient le Drilbu de la main gauche et le Dorje de la main droite. S’il oriente ce dernier verticalement, il évoque la « voie du milieu » ou voie du ciel. S’il l’incline à gauche ou à droite, c’est qu’il réfère à l’une ou l’autre des voies tantriques de gauche (vâma mârga) ou de droite (dakshina mârga).

La manipulation rituelle du Dorje met en œuvre les forces cosmiques sous leur double aspect yin et yang, conformément à de nombreuses pratiques rituelles : l’expansion, masculine et yang, la contraction, féminine et yin, correspondent au « Solvae et Coagula » de la Tradition alchimique, au « pouvoir des clés » de la Tradition chrétienne, celui de lier et de délier, à la double figure de Janus chez les Romains, et n’est pas sans évoquer la théorie astrophysique des phases d’expansion et de contraction de l’Univers…

 

Le karma

Les bouddhistes parlent de « bon » ou de « mauvais » karma, notions que l’on peut résumer ainsi : nos bonnes actions au cours de notre vie viennent améliorer notre Karma, nos mauvaises actions viennent le dégrader. Nous sommes donc en partie responsables de notre Karma, lequel se traduit ensuite par du bonheur (ce qui arrive de bon) lorsque notre Karma est bon, du malheur (ce qui arrive de mal) lorsque notre Karma est mauvais.

Nous ne semblons pas très loin des notions chrétiennes de paradis et d’enfer, dans le sens où nos actions se répercutent sur notre avenir. Il y a cependant des différences notables entre les conceptions orientale et occidentale à ce sujet :

  • Pour les bouddhistes, rejaillissent sur notre vie présente et future nos actions positives et négatives, mais aussi celles de ce que nous étions avant d’être réincarnés dans notre état actuel.
  • Pour les chrétiens, les actions positives ou négatives de notre seule vie présente ont une répercussion, et uniquement sur notre état futur, post mortem.

Se pose toutefois la question du fondement de cette théorie du Karma.

La réponse passe par la juste compréhension de ce qu’est le symbolisme, notion familière aux Tibétains mais largement incomprise des occidentaux modernes. Le symbolisme fonctionne en vertu d’une loi de correspondance entre notre monde visible et sensible, substantiel, c’est-à-dire le monde terrestre, d’une part, et le monde essentiel, celui des principes mêmes des choses, monde céleste ou monde des Dieux, d’autre part. Le monde visible étant perçu comme manifestation dans le domaine visible des réalités du monde des principes, chaque élément, chaque acte du monde visible devient la représentation sur terre de son principe céleste, qu’il permet donc d’évoquer au moyen du symbolisme, et donc de comprendre par analogie…

Cette Loi de Correspondance fonde également la validité des rites et justifie leur éventuelle efficacité : si un acte dans le monde terrestre est la manifestation en ce monde terrestre d’un principe céleste, en répétant cet acte on peut agir en retour sur le monde céleste lui-même, en raison du principe de causalité.

On comprend dès lors le fonctionnement du Karma : les actions positives, dues à une influence positive des principes célestes (transcendants), induisent à leur tour et par leur répétition des effets positifs dans ce domaine transcendant, lesquels se traduisent par de nouveaux effets positifs dans le domaine terrestre. Il en est naturellement de même pour les actions négatives.

La compréhension de cette notion de Karma pourrait éclairer celles d’enfer et de paradis des traditions occidentales…

Aum mani padme hum

Cette formule est un mantra que tous connaissent et récitent au Tibet depuis leur plus jeune âge. Il figure gravé sur les pierres mani, sur des drapeaux à prières, dans les moulins à prière. Ses 6 syllabes évoquent les 6 directions de l’espace et les 6 « classes d’être ».

Les Tibétains eux mêmes reconnaissent souvent en ignorer le sens, ou bien en donnent des interprétations variées. Sa récitation semble plus importante que sa compréhension, comme pour toute formule rituelle. De nombreuses études ont cependant cherché à en déterminer le sens. Voici les traductions les plus courantes :

Ô le joyau dans le lotus – Ô toi qui as le joyau dans le lotus – Ô toi qui as le joyau et le lotus – Trinité mystique, joyau sacré dans le lotus, amen- Ô le lingam est dans le yoni, amen – Toi dans le padma duquel se trouve un mani – Manipe, sauve nous…

 

  • Aum qui n’est pas un mot et ne peut être traduit, parfois qualifié « d’ornement », évoque l’idée d’une totalité à structure ternaire.
  • Mani traduit par « joyau », « diamant », ou « perle », évoque également le vajra ou dordje, le principe masculin Yang, mais aussi l’unité, la compassion ou l’illumination.
  • Padme (dérivé de Padma ou Peme) est traduit par « lotus » ou « fleur de lotus », qui symbolise l’organe sexuel féminin dans le Kama Sutra, et donc le principe féminin Yin. Il est associé à la cloche rituelle ou Drilbu et évoque la sagesse ou l’âme.
  • Hum n’a pas de véritable sens et correspond à « amen » ou « gardez le à l’esprit », mais évoque tout de même l’idée d’union ou de fusion.

Certains pensent que les mots Mani et Padme n’en font qu’un : Manipadme, et qu’il s’agit d’une divinité, aspect féminin (shakti) de Padmapani ou d’Avalokitesvara.

Diverses interprétations ont été proposées :

Que j’obtienne la perfection et que je sois absorbé dans le bouddha – La vie unique est dans le centre du cœur – La doctrine est dans le monde – L’incarnation de la bouddhéité – L’union de la compassion et de la sagesse – L’illumination de l’âme

Symboliquement, l’interprétation la plus satisfaisante, rejoignant nombre d’enseignements métaphysiques traditionnels, pourrait être :

 « L’univers est ternaire, la dualité masculin/féminin doit être résolue dans l’union de ces deux principes ».

La maya, ou illusion cosmique

Maya, cette notion bouddhiste fréquemment rencontrée, peut être traduite par illusion cosmique, ce qui ne nous est pas familier et peut poser un problème d’interprétation.

Pour expliciter cette notion certains Lamas utilisent l’illustration du soleil se reflétant à la surface d’un lac :

  • Le soleil représente le Principe des choses et des êtres, transcendant et immuable. (Ce qui correspond exactement à la définition chrétienne de Dieu chez St Grégoire le Grand)
  • Le reflet du soleil sur l’eau représente les choses ou êtres « créés ».

Ce reflet n’est qu’une illusion par rapport au soleil. Toutefois, en tant que reflet, il a bien une existence réelle. Il est donc à la fois illusoire et réel. Sa réalité dépend de sa relation avec le soleil puisque, si on l’isole du soleil, le reflet disparaît !

L’être créé, l’homme comme le monde, serait de la même manière une illusion par rapport au Principe ou à Dieu, tout en ayant une certaine réalité en tant que reflet de ce Principe. Isolé de son Principe, l’être créé perd sa « réalité ». L’être est à l’image du Principe comme le reflet est à l’image du soleil. Dieu créa l’homme à son image, lit on dans la Bible… L’Univers, comme les êtres qui le peuplent, serait donc réalité en lui-même, mais illusion au regard du Principe.

Rien n’est cependant illusoire en soi : l’illusion, constitutive alors de l’erreur matérialiste, réside seulement dans le fait de prendre le reflet pour le soleil, ou le monde pour la réalité suprême…

L’illusion cosmique réside en fait dans l’ignorance de la réalité suprême et des rapports entre cette réalité suprême et la réalité apparente. L’homme, par prise de conscience effective de cette illusion, s’en délivre. Il réalise alors l’union avec le Principe suprême : c’est l’état de délivré, de Bouddha vivant.

La compréhension de cette notion d‘illusion cosmique n’est pas sans implications :

  • Le Monde, comme le reflet, serait donc à la fois identité et distinction.
  • Identité puisque le reflet n’est pas autre que le Soleil (la création n’est pas autre que Dieu…)
  • Distinction puisque le reflet n’est cependant pas le soleil (la création n’est pas Dieu…)

Dire que le Monde est à la fois identité et distinction paraît contradictoire en logique pure, mais valide la notion de non-dualité. Cette notion, particulièrement familière aux orientaux, suppose non pas la négation de la logique, mais son dépassement, comme l’enseignent de nombreuses Traditions, et comme y inclinent de nos jours les avancées scientifiques dans les domaines de la physique quantique ou de l’astrophysique.